Paru dans le N° 24 - Avril 2020
Les hommes mûrissent mais les femmes vieillissent. En évinçant celles de plus de 50 ans, la télévision française continue de véhiculer des clichés sexistes affligeants.
Comme les yaourts, les femmes ont une date de péremption. Jeunes et jolies, on les voit sur tous les plateaux. Après 50 ans, elles sont vieilles et moches aux yeux des patrons de chaînes ! On se souvient de Claire Chazal remplacée par la jeune Anne-Claire Coudray au JT de TF1. Elle est loin d'être la seule. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 18 % des personnes de plus de 50 ans qui apparaissent à la télévision sont des femmes, alors qu'elles représentent 41 % de la population française. « Passé la cinquantaine, les femmes développent un superpouvoir : elles deviennent invisibles », s'inquiète Marina Tomé, comédienne à l'origine de la commission « Tunnel de la comédienne de 50 ans » au sein de l'AAFA (Actrices et acteurs de France associés).
La télévision n'est que le reflet de notre société. L'avis de Yann Moix (qui affirmait que le corps des quinquagénaires « n'est pas extraordinaire »), est « hélas partagé par beaucoup de personnes et basé sur des stéréotypes », analyse François Jost, sémiologue des médias. Dans notre culture esthétique, 50 ans reste pour les femmes un âge indissociable de la ménopause, « les excluant de la catégorie des pro-créatrices... et donc des femmes désirantes », explique la chercheuse en sciences politiques Camille Froidevaux-Metterie. Ces messieurs, eux, sont comparés au bon vin. Comme si, en vieillissant, ils ressemblaient tous à George Clooney ! Parfois, le vin devient de la piquette.
« Les femmes ne peuvent pas trouver leur place. Il y a un sentiment d'exclusion », s'indigne Marina Tomé. Certes, il existe quelques exceptions, comme Sophie Davant (56 ans) ou Évelyne Dhéliat (71 ans). Mais, selon Françoise Laborde, ancienne journaliste membre du CSA, « le public ne les voit pas vieillir, car elles ont évolué face caméra. » Est-ce le message que nous voulons envoyer à la jeune génération ? Une femme qui n'existerait que si elle est désirable, fertile, validée par un homme ? Celles qui ont passé la cinquantaine « ne peuvent pas se projeter sans avoir de modèle, alors même qu'on leur demande de travailler jusqu'à 64 ans », ironise Catherine Ceylac, ancienne présentatrice de Thé ou Café, remerciée à 63 ans par France 2 après trente-neuf ans de bons et loyaux services. Tandis que Michel Drucker, 77 ans, continue de squatter son canapé rouge tous les dimanches et n'a pas l'intention de raccrocher. Cherchez l'erreur...
