23ème chambre bis - Tribunal correctionnel de Paris
“Pendant son tour de garde, un agent de sécurité de la RATP vient vérifier que la rame est bien vide, mais vous y trouviez endormi Monsieur T.” commence la présidente. À 29 ans, il compte déjà 25 mentions sur son casier, dont pas moins de quatre l’an dernier. “J'ai commencé l’alcool jeune, je bois beaucoup”, admet-il volontiers. “Je ne veux pas aller en prison hein” objecte t-il.
Pull noir élégant, le regard trop fixe, il est très agité dans le box, bien étroit pour ses grands gestes. “L’agent essaye de vous faire sortir mais vous refusez, une rixe éclate, le chien se met à aboyer”, poursuit la présidente. Monsieur T., indémontable, reprend son histoire de prison et de codétenus : “Ils m’ont cassé le bras la dernière fois, parce que je voulais pas faire le Ramadan”. La Présidente l’ignore de nouveau, “vous essayez de donner des coups de poings et de pieds au chien, mais c’est l’agent qui les reçois”. “J’ai été à l’Hôtel Dieu, et ils ne m’ont pas soigné”. Cette fois la présidente le somme : “Il ne faut plus m’interrompre là, Monsieur”.
0,9 grammes dans le sang et plus de chaussures
Quand le chien le met à terre, l’accusé le frappe de plus belle dans les côtes. Un agent de sécurité arrive, Monsieur T. dit s'appeler Moussa Traoré, “usurpation d’identité”, précise la présidente. Finalement, le maître chien n’est pas trop blessé, mais tout de même dans l’incapacité de travailler. Le prévenu ne se souvient de rien, il était trop saoul. “Oui, vous aviez 0,9 grammes dans le sang”, rappelle la présidente, “et plus de chaussures”. Il devient songeur : “Je ne comprends pas, elles étaient pourtant bien attachés…”.
“Quelle sont vos ressources ?”. Il a mal à l’épaule, il passait le balai en prison et il est tombé, raconte t-il en mimant sa chute. Elle repose sa question. “Quand j’étais petit j’avais peur des chiens, c’est pour ça”. Son avocate n’essaye même plus de le raisonner, se prend la tête dans les mains, rit jaune. “Vos ressources ?” s’impatiente la présidente. “Je vis chez ma mère wech, nourri logé blanchi”.
Troubles pathologiques
Les images de surveillance montreraientt le caractère agressif de Monsieur T., selon la procureure. “C’est parce que j’étais au sol” revient-il à la charge. “Si vous parlez encore je vous fait sortir”, crie la présidente. En aucun cas l’alcool ne justifie ce comportement pour la procureure, qui réclame 18 mois de prison ferme.
“C’est de l’acharnement” crie le prévenu, dans un rire mécanique, effrayant. “Bon vous sortez maintenant !”. Deux policiers s'exécutent. Son avocate est soulagée : “J’ai eu peur de dire ça devant lui, mais un tel débit de paroles, sans rapport avec les question posées, révèle des troubles pathologiques. Il faut le punir, mais de manière juste”.
Prologue
Il repartira libre, avec l’obligation d’un suivi psychologique, et celle de pointer deux fois par mois au commissariat. Le 2 mai il devra se représenter au tribunal des Batignolles. “Pourquoi ça va fermer ici ?”. Cette fois, c’est la salle entière qui rit.
Au fond, le frère de Monsieur L., qui vient d’être condamné à de la prison ferme pour un cambriolage, bouillonne. En référence à Monsieur T. et à Monsieur K. jugé quant à lui pour avoir frappé sa mère pour de l’argent, le frère hurle sur les magistrats : “Mais vous laissez sortir des fous et des mecs qui frappent leurs mères et pas mon frère ? Justice de merde!”
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