Bobigny le 16 février 2017 - 17ème chambre
“Ecoutez quand je vous parle!” s’impatiente autoritairement la juge du tribunal de la 17ème chambre, - celle des comparutions immédiates -, de Bobigny. “Vous ne reconnaissez que le vol de la doudoune rouge Ralph Lauren?”. Dans le box des prévenus, Ahmed 32 ans et bien en chair, tasse son menton dans sa poitrine. Comme un petit enfant qui se fait gronder par sa maman. Il baisse la tête, tout en prenant soin relever discrètement le regard pour vérifier si la juge le regarde la tête baissée. “Oui madame. Il y a des caméras partout, vous pouvez vérifier, c’est pas moi le reste c’est lui”. Lui, c'est Belhamid 50 ans, ne dit pas un mot. La mine grise, les yeux gonflés, il gigote doucement, impatient de prendre la parole. La juge rappelle d’abord les faits. Il y a deux jours de cela, le 14 février, Ahmed et Belhamid sont tous les deux arrêtés sur le parking de l’aéro ville.
“Votre comportement est suspect” rappelle froidement la présidente du tribunal. “On vous a retrouvé tous les deux dans la voiture de Belhamid. Elle était remplie de sacs. Deux sacs sont rembourrés d’aluminium pour éviter de faire sonner les alarmes des magasins. On y retrouve divers vêtements, des parfums, et cette fameuse doudoune rouge. La seule chose qui diffère dans votre discours, c’est que selon Ahmed es sacs sont à Belhamid et selon Belhamid ils sont à Ahmed”. La juge est nerveuse, impatiente, froide. La tension monte.
Car ce que les deux hommes ne savent pas, c’est que d'abord, dans la chambre voisine, chambre 16, c’est Jawad Bendaoud, connu sous le nom de “Logeur de Daesch”, qui est jugé. Ensuite et dans le même temps, le tribunal est lentement encerclé par des hordes de CRS, venus séparer un rassemblement spontané en hommage à Théo, le jeune qui avait été tabassé par la police. Une ambiance hostile, qui n’arrange pas en conséquent, l’affaire de nos deux voleurs. “Moi j’ai pris que la doudoune", insiste tout de même Ahmed. "Quand je rentre chez lui j’ai pas de sacs, je ne savais pas qu’il volait”. Cette fois la juge éclate. “Vous êtes avec Belhamid tout le temps, on le voit faire l’inventaire des sacs. Ne dites pas que vous ne saviez pas qu’il volait!”.
L’avocate de Belhamid précise : “Belhamid est suivi par un psy. Mais il n’a pas de suivi régulier”. Il lui coupe la parole : “Mais madame…” L’avocate le reprend, puis “chut, chut!”, lui lance t-elle. “Justement je me suis renseigné de mon côté sur la cleptomanie dont dit souffrir Belhamid. Ça ne répond pas du tout à ses caractéristiques. Un cleptomane vole de manière impulsive. Rien n’est impulsif dans le fait de préparer des sacs remplis de papier aluminium”, lâche enfin la juge. Belhamid insiste, “c’est son idée à lui. Cette fois, la procureur intervient : “Je ne comprends pas monsieur. Vous dîtes avoir été viré en 2012 et être devenues cleptomane à ce moment-là”. “Oui madame”, dit-il lèvres pincées. “Alors comment expliquez-vous toutes les condamnations d’avant 2012 ?”. Silence.
Puis, à Ahmed de reprendre : “Ma femme n’achète même pas de déo à 1 euros, c’est pour elle que j’ai fais ça. Vous savez Madame la juge, je suis père de famille et…” La juge est à bout de nerfs : “Oui mais vous c’est une doudoune que vous avez volée !”. “De toute façon c’est pas mon idée mais la sienne. Je demande pardon à la Cour Madame, ces fréquentations ne sont pas bonnes”. Ils seront tous les deux jugés coupables. Ahmed écopera de 2 mois de prison avec sursis, Benhamid 6 mois fermes aménageables.