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GHB : le nouvel idol des jeunes

Le milieu de la nuit est un amas de contradictions : dans les profondeurs de l’obscurité, on cherche à être en pleine lumière, là, où la masse opaque de noctambules dansent ensemble, mais en solitaire et sans se voir. Au milieu de ces animaux de nuit, la drogue devient tour à tour invitée d’honneur, puis marraine maudite des soirées. Et ensuite, c’est la fête, la dose de trop. Dans la salle du Rex Club, club mythique parisien, personne ne veut oublier la triple overdose au GHB de ces jeunes de 19 ans, survenue dans la nuit de jeudi 15 au vendredi 16 mars 2018.


La jeunesse s’agglutine dans l’escalier qui mène au vestiaire. Un groupe d’adolescent raconte fièrement et à haute voix, qu’il se fabriquent leurs pailles pour se droguer en pâte fimo. Il est minuit à peine, la salle, vient d’ouvrir, elle est presque vide. La musique, elle, bat déjà plein tube. Tout au fond de la pièce, le grand panneau lumineux aux néon rouges affiche “Rex Club”, comme s’il était la seule source de lumière et donne déjà un sentiment de chavirement. Quant au grand bar d’angle métallique, impose quant à lui une ambiance minimaliste, digne d’un film de David Lynch. Un lieu idéal pour un trip, si on aime s’oublier complètement.


Le GHB, connu sous le nom de “drogue du violeur”, est initialement prescrit comme somnifère. Pris comme une drogue, il cause une perte de mémoire des heures passés sous ses effets. Mamadou*, chef de la sécurité et secouriste, n’aime pas les jeunes du Rex : les “bobos”, les drogués, les journalistes. En réalité Mamadou n’aime pas grand monde. Il affirme être le seul à savoir ce qui s’est vraiment passé ce soir là. Rose*, fille de magistrat de 19 ans, a fait un malaise, au milieu de la piste. Il a été appelé en urgence. “Je l’ai aidé à respirer, et maintenu en position latérale de sécurité tout en appelant les pompiers”.

Soudain, l’ami de Rose qui observait la scène, commence à convulser. Mamadou* l’allonge sur le dos, “pour que son sang circule”. Ses collègues l’appellent alors à l’oreillette : un troisième incident est survenu : un jeune homme, vient de faire un malaise à l’étage. Quand les pompiers arrivent enfin, ils s’occupent de Rose, “mais comme ils ne voulaient pas travailler, ils disaient que sa copine simulait”. Finalement, ils les emmènent tous les 3 et la police se charge quant à elle d’embarquer - pour interrogatoire et analyses -, les 15 autres personnes qui les accompagnent et ont consommés la même drogue. “Je sauve des vies tous les jours moi”, dit fièrement Mamadou*, faisant allusion à ces “gosses de riches qui font n'importe quoi”.


Tout le staff du club a 40 ans au moins, mais sert un public bien plus jeune. Il sont bienveillants envers eux, mais ne les comprennent pas. “Je ne sais pas ce qu’ils cherchent”, s’inquiète Thomas, régisseur du Rex Club depuis 14 ans. Il affirme que le staff ne peut pas les surveiller, les sermonner, ce n’est pas leur rôle. “Quand j’en vois un qui a l’oeil qui vrille, je le force à boire un coca. Je ne lui sert plus d’alcool”. Mais, “qu’est ce qu’on peut faire nous ? Ils prennent leurs merdes au coin de la rue et viennent ici pour avoir la montée. Ce sont des enfants”, conclut-il. Les physios sont vigilants, et fouillent les sac minutieusement, et pourtant… Et bien que ceux-la ne soient pas difficiles à repérer sur la piste de danse, les videurs assurent que personne ne se drogue sur la place.


Valérie*, la doyenne du staff qui travaille ici depuis 26 ans est très affectée. “On a tous fait la fête, c’est un truc propre à la jeunesse, mais pas comme ça”. Un garçon qui articule à peine demande à entrer dans les toilettes, elle le renvoie calmement au bon endroit. Elle n’est pas contre un petit joint, “mais s’ils viennent ici pour se suicider avec leurs merdes qu’ils fassent ça chez leurs parents”. Car c’est le Rex qui paye leurs “conneries, nous on est là pour donner du plaisir aux gens, pas pour les tuer”. La dernière fois qu’il y a eu un mort au Rex, c’était il y a 10 ans. Valérie fond en larmes. “Je n’oublierais jamais ce gamin qu’on a sorti recouvert de ce drap noir, je suis maman aussi”. Il y a 10 ans, Hillel Lejeune, 20 ans, est mort d’une overdose au Rex. Ici personne ne l’a oublié. “On a même pas pu dire à sa mère qu’il était en fait sous extasy depuis des jours”. Elle est inconsolable.


“Je ne touche plus à rien depuis cette nuit-là”, raconte Collin, le meilleur ami de Hillel. “Je ne supporte plus le Rex, je ne supporte plus tous ces gens qui font l’apologie de la drogue”. Et ils sont nombreux à le faire : “On ne ressent pas la musique de la bonne manière sans G ou sans MD” croit savoir fièrement Damien* seul sur la piste. Les gens ont besoin de “lâcher la bête”, explique Collin. La grande différence pour lui entre ce nouveau public et les jeunes de sa génération -des années 90-, c’est qu’eux ne se droguaient pas aux médicaments, leur limite, “car nous on avait des limites”, dit encore Collin. Le dealer qui avait vendu cette MDMA à Hillel n’a pas été arrêté, ils ne l’ont pas balancé, c’était leur pote. Et Collun en est convaincu, “l'électro incite à la drogue, ce n’est pas comme ça dans le hip-hop où ne fait que fumer”. Ce qui le dérange le plus dans tout ça, c’est que le Rex, dont le défibrillateur ne marchait pas cette nuit là, n’a écopé que d’une fermeture d’un mois après le décès de son ami.


Après l’incident avec Rose et le GHB, un homme a été arrêté cette fois. Mais comme aucun d’eux n’est mort ce soir là, il y a peu de risques qu’il soit incarcéré. S’il y avait eu décès, le groupe Surdose de la brigade des stups serait intervenu, pour remonter la filière et mettre le dealer en examen pour homicide involontaire. Alexandre Kauffmann, auteur du livre Surdose, qui a suivi pendant un an le groupe du même nom au sein de la brigade des stups, explique que le GHB s’est popularisé via les milieux gays. Il doit être servi dans un verre d’eau avec une seringue, “pour pouvoir bien doser justement, et éviter l’effet trou noir”, précise-t-il. Ce conseil que Rose et ses amis ne l’ont pas suivis. L’alcool en plus, et voilà un cocktail à haut risque, “responsable d’overdoses mortelles”. D’autant que les drogues proposées seraient aujourd’hui plus fortes. “Comme il y a une plus grande disponibilité, la concurrence entre les réseaux de trafiquants est plus forte. Les prix baissent, et le taux de pureté de chaque drogue remonte”.


“Ce que cherche les jeunes aujourd’hui c’est de se mettre dans un état comateux”, affirme une source judiciaire. Serge, jeune retraité, a fait parti du groupe Surdose. Il complète : “La molécule de GHB est interdite, comme celle de MDMA ou le THC. Mais d’autres mélanges qui provoquent le même effet arrivent des pays de l’est. Celles là ne sont pas interdites”. Le soucis, c’est que le temps du public n’est pas le temps judiciaire. Avant que ces molécules deviennent illégales, 50 autres nouvelles arrivent en France.


Si pour Serge jeunesse et ivresse vont de paire, les parents doivent libérer leurs enfants de ces substances, par la parole.“On se drogue pour évacuer un mal être. Mais ce n’est pas logique : comment se vider de quelque chose en ingérant autre chose ?”


* Les noms ont été changés

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