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Fini le tout compris ! Les pièges de la facturation à la carte


Paru dans le numéro 16 - Août 2019

Nous sommes entrés dans l'ère de l'option payante - et pas toujours utile. Difficile d'échapper à des frais qui finissent par peser lourd sur nos budgets.


Changer son billet: 15 €. Choix du siège : 50 €. Bagage en soute: 100 €. Pour tout le reste, il y a (aussi) un prix. Bienvenue dans l'ère du tout à la carte ! Oublié par exemple, le temps du facteur qui, contre un petit café, passait rendre visite a nos vieux parents en terminant sa tournée. Ce service est aujourd'hui proposé par La Poste et il est payant. Vous publiez une annonce sur Leboncoin ? Attention aux fautes de frappe : modifier votre texte sera facturé. Faire payer le consommateur par petits bout se généralise : "Le tout compris n'intéresse plus", constate Frédéric Serrière, conseiller en stratégie sut le marché des seniors et de la Silver économie.


"Ces nouvelles formules donnent au consommateur une impression de liberté". Pourtant, selon l'expert, elles l'entrainent aussi dans "un tunnel de ventes d'options". Mais Jeff, retraité de la RATP, n'est pas dupe : "À force, ça devient lourd. On a tendance à prendre le consommateur pour une vache à lait". Alors, comment alléger la facture?


Le compte n'est pas bon!


Inspirées du modèle commercial du low cost, les offres sont dépouillées de tout ce qui est secondaire, pour lequel faut mettre la main à la poche. "Quand les compagnies aériennes low cost ont massivement débarqué, les autres n'ont pas eu d'autre choix que de s'aligner sur leurs prix", explique Morgan Bourven, de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir. Pour compenser les pertes, elles font payer certains services, comme le choix du siège, le repas à bord ou le bagage en soute. "On vend au détail", poursuit le spécialiste.


Pour que ces offres soient rentables, il convient donc de prendre le temps de comparer les tarifs et de faire des choix. Ce qui implique forcément quelques sacrifices, ne serait-ce que payer plus cher que le prix annoncé. Par exemple, si vous achetez un meuble chez Ikéa, vous savez qu'il vous faudra le monter vous-même. Ou alors, payer au moins 49 € en sus pour qu'on le fasse pour vous. Et si vous le commandez sur internet, cela vous coûtera 14 € rien que pour pouvoir le récupérer en magasin. En revanche, si vous préférez vous le faire livrer, comptez entre 59 € et 119 € supplémentaires à débourser. Finalement le compte n'y est pas forcément.


Très cher payé


"Tous ces services mis bout à bout, ça revient cher", déplore Anne-Laure Hery, directrice marketing et communication chez Air Indemnité, société d'aide à l'indemnisation des passagers aériens. Quant à Laetitia, qui se désigne comme une consommatrice aguerrie et éco-responsable, elle n'en démord pas: "Ce ne sont que des techniques commerciales Pour leurrer le client". Elle constate que réserver un billet Ouigo - le TGV 1ow cost de la SNCF - est plus compliqué que d'acheter sur un train régulier. "Il me faut quinze à vingt minutes pour obtenir une place, d'autant que je dois réfléchir aux options que je souhaite ou non. Pour un train normal, ça me prend quatre minutes !" Et en additionnant les options, "le prix dépasse souvent celui des offres classiques". À cela, il faut parfois ajouter le coût du ticket pour se rendre depuis Paris vers les gares de grande banlieue d'où partent de nombreux Ouigo. "L'offre de base de la SNCF peut donc souvent s'avérer plus avantageuse" déplore-t elle.


Au fond, "le consommateur ne sait jamais ce qu'il payera à la fin" regrette Anne-Laure Hery. Les banques en ligne sont rompues a I l'exercice. La plupart vantent les service de base gratuits - cotisation carte bancaire, retrait ou paiement. En revanche, demander a un conseiller d'éditer un relevé d'identité bancaire revient à 5 € chez Boursorama. Et pour augmenter le plafond de votre carte BforBank, ce sera 3€. Pis, certaines compagnies aériennes ont été condamnées pour des frais - de 6 à 700 € - prélevés sur certaines cartes, "alors même qu'il n'y a pas d'autres moyens de paiement disponibles". Une pratique interdite en France mais les voyagistes proposent des ristournes sur les cartes reliées à leurs partenaires. "Les règles de la concurrence ne sont pas respectées. Le prix définitif devrait être indiqué dès le début de la réservation", s'agace-t-on chez Air indemnité.


L'art de forcer la main


"On manipule le consommateur pour qu'il n'ose pas dire non", dénonce Frédéric Serrière. Une habitude chez les cuisinistes, d'après lui. L'architecte réalise le dessin et le plan de la pièce. Vous recevez un dessin gratuitement... mais le plan est payant. "On se sent redevable, alors on achète." Idem quand vous choisissez un ordinateur à la Fnac, il est facile de se laisser convaincre d'acheter la Suite Office "sous la pression du vendeur", insiste Frédéric Serrière : ajoutez de 69 à 149 € au panier. Vous préférez les Mac ? N'oubliez pas l'adaptateur pour connecter vos câbles et clés USB : 79 €. Pour brancher des écouteurs ou un casque, il vous en coûtera aussi un adaptateur jack, car il n'y a plus de prise prévue à cet effet. Arrivé à la caisse, vous n'êtes pas encore sorti d'affaire. "Les vendeurs jouent sur la peur du vol ou de la casse. Le client est "coincé dans le feu de l'action et paye l'extension de garantie, qui ne couvre en fait pas grand chose", dit encore le spécialiste des seniors.


En 2017, l'UFC-Que Choisir déposait une plainte contre la Fnac et plusieurs autres enseignes. D'après l'association, ces extensions s'apparentent à un matraquage commercial. D'autant que les vendeurs se garderaient d'informer les acheteurs qu'ils bénéficient gratuitement de la garantie légale de conformité qui assure la réparation ou le remplacement d'un appareil tombé en panne dans les deux ans suivant l'achat. Sans compter que ces pseudo services couteraient de 14 à 24 % du prix du produit. Pourtant, 14 % des consommateurs interrogés ont dû acquitter un supplément pour la réparation, les extensions ne couvrant pas les accessoires, les périphériques ou la batterie de l'ordinateur. Pas plus que les pannes du aux fausses manœuvres de paramétrage oui virus informatiques. Stop, n'en jetez plus !


De beaux chiffres d'affaires


Si elles sont rentables pour les marques, "ces méthodes vont trop loin", pour la spécialiste d'Air Indemnité. En février 2019, 1'autorité de la concurrence italienne a infligé une amende de 3 millions d'euros a Ryanair, pour sa politique sur les bagages cabine. "Faire payer les bagages, c'est n'importe quoi, personne ne voyage sans. Cela fait partie du contrat". Ces derniers génèrent d'ailleurs "de beaux chiffres d'affaires" note l'UFC-Que Choisir : 60% des revenus. Autre pratique pointée : les nom et prénoms des voyageurs inversés volontairement, ce qui peut poser problème à l'embarquement, et quand on sait que "modifier un billet peut vous coûter jusqu'à 150 €"...


Dans l'art de forcer la main au consommateur, SFR n'a rien à envier aux autres. En juillet 2018, ses clients ont reçu un mail les informant que leur forfait serait automatiquement augmenté de 2 euros contre 10 gigas d'Internet supplémentaires : au client de se manifester pour refuser ! Si SFR défend la légalité de cette pratique car le consommateur peut la résilier, les témoignages sur les réseaux sociaux montrent le contraire. Selon la lettre professionnelle de Satellifax, agence spécialisée dans l'audiovisuel, ces options payantes rapporteraient 460 millions d'euros par an à SFR, car un client sur cinq ne ferait pas la démarche de résiliation. "J'ai menacé de les quitter pour la concurrence. Ils m'ont proposé une offre très avantageuse", témoigne Laetitia.


La gratuité n'existe pas


Le discours de la SNCF est clair : "Ce sont des services supplémentaires et comme tous les services, ils sont payants". Il faut donc renoncer à la gratuité ? Assurément, si l'on en croit les réclamations des usagers sur le compte Uriner de la compagnie : un internante affirme avoir vu un agent dire à une personne âgée qu'il ne pouvait pas raider à monter sa valise a bord car "c'est un service payant". Certes, pour 35 en plus du billet, un agent peut vous escorter durant le voyage. Mais pour jouir de cet accompagnement, il faut prévenir au moins 48 heures à l'avance. Les handicapés ne peuvent donc pas partir à l'improviste.


Selon Frédéric Serrière, l'avenir est à l'économie du partage. La fracture numérique se réduit, les seniors ont donc accès à de nombreuses applications collaboratives. "Ils sont davantage attirés par l'esprit d'échange et d'entraide que par des services payants comme celui de La Poste". Mais même les relations d'amitié sont monnayables. Grâce au nouveau service Expérience d'Airbnb. vous pouvez payer pour vous faire des "amis" là où vous voyagez ! Visiter le Louvre avec Pierre, prendre un verre dans un quartier atypique avec Paul ou des cours de danse avec Jacques. L'amitié, ça n'a pas de prix ? Pour certains, elle a un coût.

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