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L’Inde violée réclame justice

Dernière mise à jour : 5 mai 2022



Une fillette de 12 ans, déficiente mentale, a été violée par deux professeurs et le principal d’un collège, à Bihar en Inde, jeudi 20 janvier. Chaque nouvelle affaire dans le pays rappelle l'horreur du viol qui avait causé la mort d’une étudiante en 2012. Si cette dernière affaire avait massivement indigné le monde entier, il semble que la sinistre situation des femmes au sein du pays n’a pour autant pas changé. Bilan.


"Pays du viol" est devenu le triste surnom du pays de Gandhi. Ce 19 janvier 2017, on apprend qu’une fillette de 12 ans mentalement diminuée a été sauvagement abusée par deux professeurs et le principal d’un collège dans l’Etat de Bihar en Inde. On ne peut qu’imaginer la violence de cet acte quand l’Indian Express rapporte qu’elle est hospitalisée dans un état critique pour hémorragie. Les urgences ayant refusé de s’en charger, elle est prise en charge par le service de maternité.  


L’information survient alors qu’il y a quelques jours, une véritable agression de masse nous parvient des médias d'Inde. Le soir du 31 décembre 2016 à Bangalore, les femmes quittent les bars après le réveillon. En pleine rue, elles sont insultés, agressés, attouchées ou déshabillées de force par des hordes d’hommes saouls. Les images sont glaçantes, dignes de scènes de guerres civiles; dans un chaos général, les femmes cherchent refuge ou elles peuvent. Malgré les citadins qui interviennent auprès des milices de réserves et des 1500 policiers déployés pour assurer la sécurité des rues en ce soir de Saint-Sylvestre, les Indiennes se retrouvent à la merci de ces prédateurs ivres qui les traquent, ingérables.


Quatre ans plus tôt, la très violente agression sexuelle qui avait causé la mort de la jeune étudiante Jyoti Sing âgée de 23 ans à New Delhi en décembre 2012,  avait suscité une large vague d’indignation à travers le monde. Aujourd’hui cette “nuit de la honte”, comme l’ont qualifiée les médias, révèle qu’en Inde les mentalités dangereuses de certains sont ancrées dans leur mode de vie.


“Ce sont des choses qui arrivent”


Une nouvelle vague de protestation s’est amorcée dans le pays immédiatement après les faits du 31 décembre. Les autorités ont été largement critiquées, autant que les nombreux représentants politiques dont les déclarations sont aberrantes. C’est le cas d’Abu Asim Azmi du Samajwadi Party, parti politique dont les relations avec des bandes de crime organisé ont été avérées, et connu pour avoir expliqué l’an dernier que les femmes qui se font violer devraient être punies, comme le rappelle le Courrier International. Face aux événements récents, il tient encore les victimes pour responsables en affirmant: “à notre époque moderne plus les femmes montrent leur peau, plus elles sont à la mode”.


Quant à Maneka Gandhi ministre du droit des femmes du BJP, le parti nationaliste hindou de Narendra Modi, elle se résigne en une du journal DNA : “Que voulez-vous que je fasse, je n’y peux rien”. Le Bangalore Mirror rapporte quant à lui les propos du ministre de l’intérieur Karnataka G. Parameshwara qui estime que “ce sont des choses qui arrivent”. Une loi “anti-viol” a pourtant été adoptée à la hâte en mars 2013 , après le viol collectif d’une Suissesse. Survenu très peu de temps après celui de Jyoti Sing, tout laisse à penser que le gouvernement a alors agi sous la pression mondiale, plutôt que par conviction pure.


Le viol de trop


Le 16 décembre 2012, Jyoti Singh, une étudiante en kinésithérapie de 23 ans monte dans un bus avec son petit ami Awindra Pandey après une sortie au cinéma pour se rendre chez sa belle-famille. Les six hommes présents à bord dont le chauffeur les tabassent avec une barre de fer rouillée avant de s’en servir pour violer la jeune femme à plusieurs reprises. Forçant son petit ami à regarder la scène, le bus privé aux vitres teintées traverse la ville durant tout le temps de leur interminable calvaire. Ils les jettent ensuite tous les deux sur le trottoir, hors du véhicule encore en marche. Le viol se perpétue alors en pleine rue avec cette même barre de fer, sans qu’aucun passant n’intervienne. La jeune femme est décédée treize jours plus tard des séquelles de son agression, souffrant d’importantes lésions à l’intestin et au cerveau.


Bien que le gouvernement ait interdit les manifestations, des milliers de personnes se sont retrouvés dans les rues de New Delhi, étudiants au premier rang. Les protestations se sont poursuivies des semaines durant, une première en Inde après ce genre d’affaires, et ont très rapidement pris écho à l’International. Traduisant un ras-le-bol général et révélateur de la situation d’urgence et d’insécurité dans laquelle se trouve les Indiennes, Jyoti Singh représente “le viol de trop” comme l’a alors défini l’opinion.


La femme est une propriété


Cette affaire d’une violence rare, plus largement connu aujourd’hui comme le “Viol de New Delhi” avait eu pour effet de rouvrir les débats à travers le monde sur la condition des femmes indiennes, considérées comme une des plus difficiles au monde. En Inde, on désigne d’ailleurs le harcèlement sexuel Eve teasing (Taquiner Eve), nom qui dénonce de lui même l’ampleur du problème. Il serait subi par autant de femmes indiennes que par des étrangères en tourisme. Le problème a attiré l’attention des médias à partir des années 1960 quand les femmes ont commencé à se déplacer librement comme d’autres dans le monde, sans la compagnie d’un homme.


Selon l’écrivaine indienne Sekhuta Mehta dans Times Magazine, “une femme est une propriété, comme un bout de terrain. Elle n’a aucun droit- ni sur son corps ni sur son esprit, ni dans le choix d’un partenaire”. Elle voit dans la colère des manifestants, le conflit entre la modernité à laquelle peuvent accéder désormais les femmes, notamment en ce qui concerne l’éducation, et d'un autre côté les principes moyenâgeux, qui renvoient aux temps les plus obscurs de l’Inde et de ses injustices.


Car l’Inde est un pays très paradoxal où cohabitent des femmes de pouvoir et femmes sans libertés. Pour Aruna Papp, travailleuse socialiste qui milite depuis des décennies pour les droits des femmes et qui accorde une interview au site lapresse.ca, cette jeune étudiante de la classe moyenne dite des “intouchables” représente l’avenir de l’Inde, violée.


Le viol comme punition


Selon Le Parisien, le père de Jyoti Sing aurait indiqué qu’ “aucun homme n’a le droit de vivre après avoir commis un crime si abominable”. Grâce à la pression de l’opinion publique et de la famille de la victime, les accusés comparaissent selon une procédure accélérée, pour contourner le système judiciaire indien notoirement lent. Quatre des violeurs âgés de 19 à 35 ans ont écopé de la peine maximale, la peine de mort. Le dernier homme Ram Singh, le chauffeur du bus, qui affirmait avoir été torturé lors de sa détention s’est suicidé en prison. Indian’s daughter (La fille de l’Inde), le film documentaire de la réalisatrice anglaise Leslee Udwin qui rend hommage à Jyoti Sing a pourtant bien été interdit en Inde. On y voit Mukesh Singh, l’un des violeurs qui attend sa condamnation, déclarer froidement que la jeune fille n’aurait pas dû “traîner dehors à 9h le soir" et qu’ “une fille est bien plus responsable d'un viol qu'un garçon".


Des propos d’autant plus choquants quand on sait que le viol est encore infligé comme punition. En 2014, une jeune fille du Bengal et son compagnon, attachés à un arbre, ont été violés par tout le village. La jeune fille était tombée amoureuse de ce garçon, un musulman d’une autre tribu. En 2015, deux sœurs dont l’une âgée de 15 ans à peine, sont condamnées au même sort après que leur frère se soit enfui avec une femme mariée. Selon des statistiques officielles du Bureau national du crime, un viol serait commis toutes vingt-deux minutes en Inde.


Resignation


Dans les rues les violences sexuelles ont longtemps été acceptées avec résignation. Peu de gens au sein des autorités prêtent attention à ces exactions. Plus de 42 politiciens ont été réélus malgré des accusations de viols et de sévices sexuels selon India Today. Les réactions de certaines autorités politiques et religieuses fortement marquées par la tradition expliquent comment une femme doit se comporter. Des propos scandaleux tel que “si la fille s’était simplement rendue au lieu de résister quand elle était entourée par six hommes, elle n’aurait pas perdu ses intestins”. Le “test du doigt”, où le médecin introduit un doigt, puis deux dans le vagin de la victime est encore en vigueur dans de nombreux États en Inde. La possibilité d’introduire deux doigts l’amènera à écrire dans son rapport que la victime est “habituée à des rapports sexuels”, ce que la défense retiendra contre elle pour mettre en cause sa crédibilité.


Le gouvernement prévoit l’augmentation des patrouilles de nuit. Elle prévoit également de donner des cours à la police de New Delhi, pour améliorer la situation et mieux évaluer les plaintes qui leur parviennent. La plupart des victimes de viol dans le pays n’osent pas se rendre à la police, craignant pour leur sécurité dans ce pays où les femmes en sont tenus pour responsables.


Indian Express relate comment en novembre 2016, une jeune mère de famille est violée par un conseiller municipal et trois autres hommes. Quand elle décide de déposer plainte, les policier lui posent tout une série de questions plus insultantes et gênantes les unes que les autres. “Lequel des violeurs t’a donné le plus de plaisir” lui demande le policier, puis “Quelle taille de sexe as tu préféré”. La jeune femme retire sa plainte.


Une pression mondiale nécessaire


En 2015, souligne DNA, les tentatives de viol sur les femmes indiennes ont augmenté de 12,9 %, 34 000 en tout. En réalité le nombre d’agressions sexuelles   n’ont pas augmentés, certaines violences sont juste  plus souvent dénoncées. En Inde de nombreuses voix s'élèvent pour demander à ce que les plaintes pour viols soient recueillies par des femmes. Mais le chemin reste encore long quand même les dirigeantes féminines à la tête de l’État s’accordent à ne pas admettre certaines formes de viol. Ni le viol d’un homme, ni le viol conjugal n’est reconnu en Inde. Maneka Gandhi a déjà choqué l’opinion il y a quelques mois en affirmant que le viol conjugal était “un concept occidental inapplicable en Inde”.


Suicide collectif de veuves, violence domestique où les femmes sont battues, brûlées à l’acide, mariages forcés de fillettes, avortement sélectif, les violences effroyables contre les femmes en Inde sont innommables. Impuissante face à l’ampleur du problème, c’est maintenant d’une pression mondiale durable dont a besoin l’Inde pour espérer faire changer les choses.



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