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La vidéo montrant un Guinéen bâillonné dans un avion en France est-elle avérée ?

Une vidéo à bord d’un avion montrant la tentative d'expulsion d’un Guinéen casqué, bâillonné et attaché, samedi 1er décembre, a largement été partagée sur les réseaux sociaux. À la suite de l’intervention des passagers, choqués du traitement qui lui était infligé, il a été débarqué.

Capture d'écran Facebook AJ+ / DR

Cet article a été publié sur Liberation.fr le 7 décembre 2018

Bonjour,


Nous avons reformulé votre question : «Je me permets de vous contacter pour vous soumettre cette vidéo qu’une amie à moi a partagée. Pourriez-vous avoir plus d’informations à ce sujet (notamment si les dires de la personne ayant publié ladite vidéo peuvent être confirmés)».

Question posée le 04/12/2018


Vous faites référence à une vidéo publiée sur Facebook. Un passager filme un homme assis sur un siège dans un avion. Attaché, l’homme porte un casque de boxe sur la tête et est bâillonné par un masque chirurgical : il est en train de se faire expulser vers la Guinée. Deux policiers sont assis à ses côtés, l’un le retient en arrière avec son bras. L’homme appelle à l’aide en boucle : «Aidez-moi, j’ai besoin d’aide». Plusieurs passagers sont regroupés autour du Guinéen et certains filment la scène.



Publiée samedi 1er décembre, la vidéo a depuis été supprimée du compte de l’utilisateur, mais on la retrouve encore sur AJ + qui y a consacré un sujet.


«Les conditions n’étaient pas réunies pour un départ en toute sécurité»


Air France confirme à CheckNews que les faits se sont bien déroulés le 1er décembre sur le vol AF596 de la compagnie, en partance de Paris Charles-De-Gaulle pour Conakry, capitale de la Guinée. Le commandant de bord a finalement estimé que «les conditions n’étaient pas réunies pour un départ en toute sécurité et a décidé de débarquer le passager pour partir», indique la compagnie.


Selon la Cimade, association de solidarité active de soutien politique aux migrants, l’homme est aujourd’hui retenu au Centre de Rétention Administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Il arrivera à ses 45 jours de rétention, limite légale de détention au CRA, ce vendredi à 15h30. Il pourrait alors être placé en garde à vue et poursuivi pour obstruction à une mesure d’éloignement, selon la Cimade. Il aurait par ailleurs déjà refusé d’être expulsé, ce qui expliquerait qu’une escorte l’ait accompagné. En général, les escortes ne sont pas sollicitées quand la personne accepte de quitter le territoire avec le premier vol proposé, précise la Cimade.


L’homme est arrivé en France en 2012 en tant qu’étudiant. Dans un enregistrement recueilli par la Cimade et que CheckNews a pu consulter, il se dit membre de l’Union des forces démocratique de Guinée, le principal parti d’opposition, et affirme que sa «vie est en danger» s’il retourne dans son pays. Il raconte que lorsque les forces de l’ordre sont venues le chercher au CRA pour l’emmener à l’aéroport, on lui a scotché les deux jambes ensemble et il soutient avoir «obéi aux ordres». C’est quand il aurait signalé son refus de partir qu’on lui a mis un casque de boxe et un masque.


Les conditions d’expulsion : le casque et le masque


La décision d’immobiliser un demandeur d’asile, renvoyé de France par avion, est ordonnée par le ministère de l’Intérieur. Ces mesures surviennent quand la personne est considérée «hostile», jugée dangereuse pour elle-même ou pour les autres passagers et refuse d’embarquer, selon un document ministériel que Bastamag s’est procuré en 2012. D’après ce texte, ces mesures sont aussi justifiées par «l’expérience des personnels, combinées à des difficultés récurrentes, lors des mesures d’éloignement par voie aérienne».

Seulement, le matériel, autorisé à l’immobilisation et mentionné dans le document, concerne les menottes métalliques ou «textiles de préférence», les bandes de velcro ou encore - et seulement «en tant que besoin» - une ceinture d’immobilisation. Ni casque, ni masque n’y sont mentionnés.


À la suite de différents cas problématiques survenus par le passé, le Défenseur des droits a demandé que le casque ne puisse être utilisé que dans les locaux de rétention, si le détenu se blesse en se cognant la tête contre les murs - technique utilisée par certains pour retarder leur départ. Pour des questions de «dignité humaine», cet équipement ne devrait en revanche pas être porté en dehors de ces lieux de rétention, et a fortiori pas dans l’avion. En ce qui concerne le masque, le Défenseur des droits réclame son interdiction, mais cette demande n’est aujourd’hui pas effective. Plus largement, il recommande le remplacement de ces outils par des moyens qui seraient justement «davantage adaptés à la dignité humaine», et seulement après avis médical.


La Cimade souligne, quant à elle, que si ces mesures, d’exceptionnelles en théorie, deviennent systématiques car les refus de partir se multiplient et que «personne ne veut être expulsé». Elles seraient par ailleurs «contre-productives, car elles indignent les passagers, qui, choqués, se lèvent et empêchent le départ de l’avion». Enfin, l’association juge ces méthodes dangereuses et insuffisamment encadrées juridiquement.


Cordialement


Alexandra Edip


Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le CFPJ pour le journal d’application de la promotion 47.


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