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Le marchand du XIIe siècle : corporatiste et solidaire



Au XIIe siècle, rive droite, poumon économique de la ville, les marchands parisiens sont regroupés au sein de la hanse (ou association) des marchands de l’eau. D’autres villes s’organisent de cette manière, mais l'association parisienne fait exception par les nombreux privilèges que lui accorde la royauté. Fixant progressivement la capitale à Paris, Louis VII offre un nouvel élan dynamique à la cité. Sur la Seine, des bateaux du monde entier importent et exportent des produits en tout genre.

Le matin est encore brumeux, mais les bateaux abondent déjà place de la Grève*. Berge de sable en pente douce, elle est la principale voie d’approvisionnement du commerce parisien. Organisée en une succession de ports qui ont chacun leur spécialité, la rive est inondée de chargements venus de toute l’Europe. Là, on débarque de lourdes quantités de vin, ici, du blé ou du foin, un peu plus loin, des pierres et du bois pour approvisionner le chantier de la cathédrale Notre-Dame, entrepris par Maurice de Sully, évêque de Paris, depuis le mois de mars 1163.

En fixant sa capitale à Paris, Louis VII offre une protection permanente à la ville, favorisant son essor économique. Sur la rive droite, la puissante hanse des marchands de l’eau assure le ravitaillement de la métropole. La place de la Grève leur appartient depuis que le roi leur a cédé pour 60 sous. Il est donc interdit d’y construire des habitations pour ne pas entraver l’activité marchande. Pour acheminer la cargaison jusqu’au marché du Champeaux**, il faut rapidement remplir les ballots que portent les bêtes de somme.

Deux marchands de l'époque Carolingienne, discutant à la foire annuelle du Lendit, devant l’église de Saint-Denis. Heureusement, les travailleurs journaliers grévistes*** qui se tiennent immobiles au milieu de cette pagaille ne demandent qu’à être recrutés.


RENCONTRES ET ÉCHANGES INTERNATIONAUX


Le roulis des moulins qui bordent la rive étouffe les cris d’un marchand, fait prisonnier pour avoir fraudé. Les passants lui « catapultent des projectiles variés » (1). Attaché au pilori d’un carrefour près de la Grève, il doit servir d’exemple. Prudence en traversant la rue Saint-Denis qui mène aux Champeaux, assaillie de vendeurs itinérant. Au milieu des cortèges de caravanes, un groupe de marchands parisiens se fait surprendre par « [d]es seigneurs pillards [ou d]es concurrents peu scrupuleux » (2). Coutumiers du fait, ils se déplaçent toujours en « guilde »**** et armés pour se défendre.


Si l'on traverse le grand Châtelet lieu de justice et de prison, nous voilà aux Champeaux. Devant le fossé rectangulaire qui délimite cet espace de 5 hectares, on vend des animaux. L’odeur « est particulièrement horrible » (3). L’abattage des bêtes se pratiquant dans les ruelles alentour, près de la Grande-Boucherie, restes d’animaux et excréments s’y accumulent, puis finissent dans la Seine. Sur le marché, abris temporaires, loges et étaux s’agglutinent : fruits, viande, cire, parchemin, on vend de tout. En ces occasions, la clientèle aisée du Louvre, résidence royale, venue chiner dans les orfèvreries du quartier, n’hésite pas à se mêler à la populace, qui en profite pour tirer quelques bourses...


La foire du Lendit, située à la plaine Saint-Denis, est la plus importante d’Europe après celles de Champagne. Du 11 au 24 juin (jour de la Saint-Jean), des forains de toute l’Europe et de Byzance y écoulent leurs attirails, puis repartent avec une cargaison de produits exotiques. Dans une ambiance de fête qui attire les saltimbanques, Parisiens et habitants des villages voisins se bousculent devant les étals de laines anglaises, d’épices italiennes ou de draps flamands. La nuit venue, le traditionnel feu de la Saint-Jean marque la fin du labeur et des festivités : peu de repos avant de reprendre le chemin du travail le lendemain.

Légende

* Actuelle place de l'Hôtel-de-Ville. ** Signifiant « les petits champs ». Grande halle située sur une ancienne zone marécageuse, au croisement stratégique de trois voies importantes: la rue Saint-Denis, la rue Montmartre et la rue Saint-Honoré. *** Avant le sens moderne qu’on lui connaît, l’expression « faire grève », signifiait : attendre du travail sur la place de la Grève. **** Terme désignant au Moyen Âge une association ou coopération de personnes pratiquant une activité commune, généralement des marchands. (1) Les stratégies d’implantation des piloris au Moyen Âge, Isabelle D’Artagnan. (2) Connaissance du vieux Paris, Jacques Hillairet.

(3) Dictionnaire historique de Paris, multi-auteurs.



La place de la Grève, sur l’actuel parvis de l'hôtel de ville. L'espace est réservé à la hanse des marchands d’eau.

~ Hanse des marchands ~

et naissance de la bourgeoisie


La Seine a toujours joué un rôle déterminant dans l’essor de Paris. Durant les invasions normandes du xe siècle, les bourgeois, qui avaient autrefois construit des ponts de leur initiative, se regroupent autour de la hanse des marchands de l’eau. Selon les historiens, leur rôle est d’assurer le ravitaillement de Paris. La hanse assoit son autorité en développant une sorte d’administration municipale. Liés entre eux par un contrat, ils unissent étroitement la communauté, afin de conserver leurs privilèges. Depuis 1121, les marchands disposent du monopole du commerce du vin et de celui de la navigation jusqu’au pont de Mantes. Ces corporations seront les prémices de la haute bourgeoisie, qui connaîtra son véritable essor à partir du xiie siècle. On trouve encore aujourd’hui des héritiers de familles tels que les Bourdon, qui avait deux prévôts des marchands parmi les siens et a donné son nom à la rue des Bourdonnais à Paris.

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